Va-t-on mélanger des biocarburants dans l’essence à la pompe ?

Les carburants vendus en Suisse à la pompe (essence, diesel et gaz naturel) contiennent déjà aujourd’hui une faible part de biocarburants. Cette proportion est amenée à augmenter, en phase avec les valeurs cibles des législations environnementales en Suisse et en Europe dans le secteur des transports, auxquelles les biocarburants liquides apportent souvent la seule réponse réaliste à court terme.

La Suisse, de manière générale, ne soutient pas les biocarburants dits « de première génération », issus de cultures nourricières comme le colza, le maïs, la betterave, ou encore la canne à sucre et l’huile de palme dans les pays tropicaux. En ce sens, seuls les biocarburants qui satisfont à des performances sociales et environnementales très strictes sont exempts de la taxe sur les huiles minérales.

En 2018, l’essence et le diesel à la pompe contenaient moins de 5 % de biocarburants. En outre, sur quelque 3500 stations-service en Suisse, seule une centaine proposait le mélange E5 (5 % de bioéthanol, 95 % d’essence) à fin 2014, le plus courant. Une quarantaine de stations commercialisaient le mélange E85 (85 % de bioéthanol, 15 % d’essence), et une dizaine seulement offraient le mélange B5 (5 % de biodiesel, 95 % de diesel). Il faut souligner que le bioéthanol est importé en totalité, et qu’une fraction négligeable (moins de 10%) du biodiesel est produit localement.

Ceci étant, une nouvelle législation entrée en vigueur en 2013 contraint les importateurs de carburants fossiles à compenser en Suisse et d’ici à 2020 le 10 % des émissions de CO2 résultant de l’utilisation de ces carburants. Les biocarburants représentent à cet égard une option économique et facile à mettre en œuvre pour l’industrie pétrolière, ce qui explique la croissance observée de leurs importations, qui ont augmenté de 9 millions de litres en 2012 à quelque 19 millions en 2014, et à plus de 230 millions de litres en 2018, ce qui correspond à 3,5 % des ventes de carburants.

L’Union européenne (UE) va même plus loin. Elle a décidé de couvrir 10 % de ses besoins en mobilité par des sources d’énergies renouvelables d’ici à 2020. Les biocarburants représentent la seule solution réaliste pour atteindre cet objectif ambitieux dans un délai aussi court. En effet, l’utilisation des biocarburants ne nécessite pas de changer le parc de véhicules, ni de modifier l’infrastructure de distribution du carburant (contrairement aux véhicules électriques, à gaz ou à hydrogène, qui seront encore peu répandus en 2020). Dans cette perspective, la Commission européenne autorise la commercialisation des mélanges E5 et B7 en remplacement de l’essence et du diesel pur. Ces mélanges sont compatibles avec tous les véhicules en circulation en Europe.

La disponibilité des carburants E5 et B7 n’est pas encore généralisée à toute l’Europe. Les carburants traditionnels purs (essence, diesel, kérosène) restent encore largement distribués, et la Suisse n’a actuellement aucun problème à en importer. Cette situation pourrait cependant changer prochainement. D’ici 2020, les États membres de l’Union européenne ne vendront vraisemblablement plus de carburants purs à la pompe, mais uniquement les mélanges E5 et B7 – s’ils entendent remplir leurs obligations relatives à la Directive de l’UE sur les énergies renouvelables. Dès lors, rien ne garantit que les raffineries européennes conserveront des canaux de distribution pour des carburants purs uniquement pour approvisionner le marché suisse. D’autant plus qu’avec l’apparition, attendue avant 2020 en Europe, de mélanges à taux plus élevé de biocarburant, notamment le E10 (10 % de bioéthanol et 90 % d’essence, déjà distribué en France et en Allemagne), qui viendra s’ajouter au mélange E5, les capacités de distribution seront largement utilisées. Il pourrait ainsi s’avérer difficile et fort coûteux de maintenir des canaux spécifiques seulement pour la Suisse.

En outre, les véhicules mis sur le marché en Europe seront optimisés pour rouler avec ces futurs mélanges de biocarburant. Dans ce contexte, la Suisse pourra difficilement continuer à faire cavalier seul, car elle ne peut importer que ce qui reste disponible sur le marché. De ce point de vue, elle se trouve un peu à la merci des décisions de l’Union européenne [→ Q89].

Quant au biogaz produit en Suisse, il sert essentiellement à la production d’électricité et de chaleur. Néanmoins, une faible quantité est injectée dans le réseau de gaz naturel qui alimente également les stations- service. Il sert alors de carburant pour les voitures roulant au gaz naturel [→ Q33] qui devraient continuer de gagner des parts de marché à l’avenir. En outre, il reste un potentiel important de production de biogaz à partir de déchets biogènes et animaux.

Références

Bauen, Ausilio and Chase, Adam and Chudziak, Claire and Ouwens, Jeroen Daey and Denvir, Brian and Owen, Nick and Ripken, Ralph and van den Berg, Maarten and Vuille, Francois (2013)
(). A harmonised Auto-Fuel biofuel roadmap for the EU to 2030. E4tech.
Erdöl-Vereinigung - Union Pétrolière (2013)
(). Stations-service 2012: la tendance vers de plus grands shops se poursuit.
THE EUROPEAN PARLIAMENT AND THE COUNCIL OF THE EUROPEAN UNION (2009)
(). DIRECTIVE 2009/28/EC OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL of 23 April 2009 on the promotion of the use of energy from renewable sources and amending and subsequently repealing Directives 2001/77/EC and 2003/30/EC. Official Journal of the European Union, 140. 16–62.
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