Pourquoi le taux de rénovation des bâtiments est-il si faible malgré le programme de subside ?

La rénovation des bâtiments représente des investissements importants qui ne s’avèrent souvent pas rentables dans les conditions actuelles de faible prix de l’énergie et du CO2. Le Programme Bâtiments ne semble pas suffisant pour changer cette situation. En outre, les propriétaires ne sont souvent pas conscients du besoin d’assainissement de leurs bâtiments, et n’ont pas toujours la possibilité de répercuter le coût de rénovation sur les loyers.

Le parc immobilier suisse consomme quelque 40 % de notre énergie finale [→ Q30].

Il semblerait donc que le Programme Bâtiments, dont les montants octroyés peuvent couvrir environ 5 % du montant des travaux de rénovation, constitue plus un effet d’aubaine dont bénéficient les propriétaires qui auraient pris de toute manière la décision d’assainir, qu’une réelle incitation à la rénovation. D’autant plus que le droit fiscal pour les propriétaires particuliers favorise l’assainissement échelonné des bâtiments, avec la possibilité d’étaler les investissements sur plusieurs années. Ceci n’est évidemment pas compatible avec les exigences du Programme Bâtiments, qui a pour but d’accélérer autant que possible la rénovation énergétique du parc immobilier.

Aujourd’hui, les obstacles à la rénovation des bâtiments restent nombreux. Tout d’abord, la rénovation globale d’un bâtiment représente un investissement très conséquent, qui se chiffre en dizaines, voire en centaines de milliers de francs. La décision de rénover sera donc essentiellement basée sur des critères économiques. De ce point de vue, les coûts actuellement très bas de l’énergie ne justifient pas une rénovation énergétique, puisque les gains escomptés en économies d’énergie offrent un retour sur investissement en 20 ans au minimum à quasiment 100 ans suivant l’ampleur de la rénovation. Seule une augmentation massive du prix de l’énergie ou de la taxe sur le CO2 permettrait de raccourcir sensiblement cette durée [→ Q83].

Finalement, avec seulement 37 % des ménages propriétaires du logement qu’ils occupent, la Suisse reste un pays de locataires. Or, les propriétaires qui louent leur bâtiment ne peuvent souvent pas reporter sur le loyer l’investissement effectué lors d’une rénovation. La raison diffère suivant les régions. Là où l’offre de logement excède la demande, comme dans le Jura par exemple, le marché ne permet simplement pas de répercuter les prix puisque c’est la demande qui dicte les niveaux de loyer. Au contraire, dans les régions où la demande excède l’offre, comme à Zurich et sur l’Arc lémanique, la rénovation énergétique est souvent un prétexte pour augmenter les loyers, le marché acceptant a priori toute hausse. Mais quand ces loyers atteignent les seuils de douleur, les locataires ont une tendance croissante à faire valoir leurs droits, en particulier le droit à l’ajustement des loyers au taux hypothécaire. Si les loyers n’ont pas été adaptés à la baisse des taux hypothécaires, qui ont dégringolé de 7 % en 1992 à 2 % en 2014, alors une hausse des loyers suite à une rénovation serait partiellement absorbée par la baisse obligatoire liée à l’ajustement par rapport au taux hypothécaire.

À cela s’ajoute le fait que les bâtiments subissant un assainissement en profondeur ne sont en principe pas habitables durant les travaux, ce qui représente également un frein conséquent puisqu’il n’y a souvent pas de solutions pour reloger les locataires. Enfin, les propriétaires n’ont souvent aucune idée de la qualité énergétique de leur bâtiment. A cet égard, l’audit énergétique s’avère un instrument incitatif très utile puisqu’il permet la prise de conscience.

Références

Contrôle Fédéral des Finances (2014)
(). Programme Bâtiments de la Confédération et des cantons - Evaluation du modèle de calcul des effets en matière d’émissions de CO₂ et de consommation d’énergie.
Dalang, F. and Reber, J. and Fuchs, St. and Hiltbrand, F. (2012)
(). Le coût de l’assainissement énergétique du parc immobilier du canton de Genève. noé21 - projet CEPIC.
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