Peut-on encore construire des barrages en Suisse ?

Le potentiel de l’hydroélectricité en Suisse est déjà utilisé à plus de 90 %. Par conséquent, il est peu probable que de nouveaux grands barrages à accumulation puissent être construits. Faute de sites adéquats, mais aussi en raison de leur impact sur l’environnement. Seuls quelques grands ouvrages au fil de l’eau pourraient encore voir le jour. Le potentiel restant se trouve essentiellement dans l’extension de la capacité des ouvrages existants, ainsi que dans la petite hydraulique.

Les centrales hydrauliques produisent de l’électricité en utilisant la force de l’eau en mouvement. La capacité de production d’une centrale hydraulique dépend donc directement de la quantité d’eau disponible (le débit) et de sa hauteur de chute (plus l’eau tombe de haut, plus elle a de force pour entraîner des turbines). Tout le monde connaît les grands barrages, souvent spectaculaires, érigés au fond des vallées alpines. Ces barrages dits « à accumulation » stockent l’eau dans des lacs artificiels d’altitude. Quand les vannes du barrage s’ouvrent, l’eau s’engouffre dans des conduites forcées jusqu’en plaine, où des turbines convertissent en électricité l’énergie gigantesque acquise lors des 1000-1500 m de chute.

La Suisse compte environ 80 grands aménagements hydroélectriques à accumulation, la majorité étant localisée en Valais et aux Grisons, au Tessin et dans le canton de Berne. Le plus haut barrage de Suisse, la Grande Dixence en Valais, s’élève à 285 mètres. Le plus vieux, celui de Rütiweiher dans le canton de Saint- Gall, approche les 170 ans d’âge.

Il n’y a plus guère de possibilité d’ériger de nouveaux grands barrages à accumulation en Suisse. Par contre, des rehaussements ou agrandissements d’ouvrages existants sont possibles [→ Q76].

Le potentiel de l’hydroélectricité ne se limite de loin pas aux barrages à accumulation. Ces derniers ne représentent en fait qu’environ 50 % de notre production hydroélectrique actuelle. L’autre moitié provient essentiellement de centrales dites « au fil de l’eau » érigées en plaine, sur des rivières et fleuves à débits importants. Ils produisent de l’électricité simplement en turbinant l’eau qui coule, et n’ont donc pratiquement pas de flexibilité de production. La Suisse compte 559 ouvrages au fil de l’eau, dont 136 sur le Rhin, 126 sur le Rhône, 65 sur la Reuss, 103 sur l’Aar et 72 sur la Limmat.

Contrairement aux barrages à accumulation, les ouvrages au fil de l’eau offrent encore un certain potentiel inexploité. Une quinzaine de grandes centrales au fil de l’eau pourraient voir le jour en Suisse, ce qui permettrait d’ajouter 1,4 TWh par an à notre production hydroélectrique. Les centrales au fil de l’eau produisent en moyenne 15 à 17 TWh d’électricité actuellement, contre 19 à 22 TWh d’électricité pour les centrales à accumulation. Le potentiel de développement des centrales hydrauliques a été réévalué à multiples reprises, en 2012, il était estimé à environ 1500-3000 GWh par an, ce qui résultait à une production escomptée allant de 37 à 38.5 TWh/a. Ces prévisions ont été revues à la baisse dans une étude plus récente, due à la nouvelle loi sur la protection des cours d’eau. Le potentiel maximum a été estimé à seulement 1560 GWh par an, pour une production entre 36 et 37.5 TWh/a. Cependant, ce chiffre n’inclut pas le potentiel de la petite hydraulique, comptabilisée dans les nouvelles énergies renouvelables [→ Q57]. Par ailleurs, les nouvelles exigences de la loi sur la protection des eaux vont engendrer une baisse de la production annuelle estimée à 1,5 TWh d’ici à 2050 afin d’augmenter les débits minimaux dans les rivières.