Le supplément perçu sur chaque kWh d’électricité pour la promotion des énergies renouvelables est-il suffisant ?

Depuis 2009, les consommateurs suisses paient un supplément sur chaque kWh consommé. Ce supplément s’élève actuellement à 2,3 centimes par kilowatt-heure (ct/kWh). Cela devrait rapporter à terme plus de 1.3 milliard de francs par an à la Confédération. À elle seule, cette somme ne suffira pas pour permettre de remplacer rapidement la totalité du courant d’origine nucléaire par du courant d’origine renouvelable. Toutefois, elle constitue un encouragement indispensable au démarrage du marché des énergies renouvelables.

Les énergies renouvelables n’étant, de manière générale, pas encore concurrentielles [→ Q64], il faut les soutenir financièrement pour assurer leur développement et leur adoption à large échelle. Un mécanisme de soutien a été mis en place par la Confédération, qui rémunère le courant vert injecté dans le réseau. Il s’agit de la Rétribution à Prix Coûtant, mécanisme plus connu sous son sigle de « RPC ». En pratique, un producteur d’électricité renouvelable (solaire, éolienne, biogaz, etc.) reçoit la garantie que son courant vert sera acheté par le réseau en priorité, et à un tarif qui permet de couvrir la différence entre le prix du marché (4-7 ct/kWh) et son coût réel de production (10 à 50 ct/kWh). Ces taux sont éventuellement adaptés par l’OFEN sur la base des progrès technologiques constatés, la maturité du marché et la production effective.

La RPC est financée par le biais d’un supplément perçu auprès des consommateurs sur chaque kWh électrique. Ce supplément alimente un fonds qui, outre la RPC, finance également d’autres mesures comme les appels d’offres publics visant à promouvoir l’efficacité énergétique, la couverture des risques liés à des projets de géothermie, des mesures d’assainissement des cours d’eau, les rétributions uniques pour les petites installations photovoltaïques, ou encore des contributions d’investissement pour la biomasse et l’hydraulique. Le montant maximal du supplément était fixé dans la loi sur l’énergie à 1,5 ct/kWh, mais ce plafond a été relevé à 2,3 ct/kWh avec la Stratégie énergétique 2050. Cela représenterait plus de 100 francs par ménage et par an. En 2019, le supplément effectivement perçu n’a toutefois été que de 1 ct/kWh, car toutes les installations ayant reçu une décision positive pour recevoir la RPC ne sont pas encore réalisées. Or la RPC n’est obtenue qu’à partir du moment où les installations injectent réellement de l’électricité dans le réseau. Le supplément est passé à 1,1 ct/kWh au début 2015. Il apparaît explicitement sur notre facture d’électricité, et s’élève à environ 50 francs par ménage et par an. Par le biais de la RPC, il a rendu possible la production de près de 1,4 TWh de courant vert en 2013, et, en général, plus de 2,5 % de notre consommation électrique. La RPC a connu divers changements (valeur du supplément, type d’installations admissibles, durée de rétribution) et expire fin 2022, ce qui implique que les nouvelles installations ne pourront plus recourir à ce schéma financier.

La fixation du montant de ce supplément a suscité de vifs débats gauche-droite au Parlement fédéral. Outre le fait qu’il devrait rester financièrement supportable pour les ménages et surtout pour l’industrie, deux autres arguments ont prêché en faveur d’un soutien modéré aux énergies renouvelables.

D’une part, il a été estimé que les coûts de ces technologies allaient continuer de baisser ces prochaines années grâce à leur maturité technologique et commerciale croissante. Par conséquent, subventionner massivement aujourd’hui les producteurs d’électricité verte, en s’engageant à racheter leur électricité verte durant 20 ou 25 ans, allait coûter globalement plus cher que de les soutenir de manière progressive. D’autre part, il faut également s’assurer que l’infrastructure du réseau électrique puisse évoluer conjointement avec le déploiement des énergies renouvelables et permettre une injection massive de courant vert sur le réseau sans risque de le déstabiliser [→ Q67].

En l’état, le montant de ce supplément reste insuffisant pour espérer combler par du courant renouvelable le déficit électrique laissé par l’arrêt des centrales nucléaires. Il devrait permettre d’exploiter environ un tiers du potentiel de l’éolien et du solaire à l’horizon de la mise hors-service de notre dernière centrale nucléaire, si l’on en croit les scénarios développés par la Confédération dans le cadre de sa stratégie énergétique 2050 [→ Q86]. Toutefois, cet encouragement a pour vocation première et essentielle de contribuer au développement du secteur, encore jeune, des énergies renouvelables.

En outre, un soutien trop massif aux énergies renouvelables peut s’avérer très coûteux. L’Allemagne en sait quelque chose, avec un prix de l’électricité au consommateur final qui a augmenté de 9 ct/kWh depuis 2008 pour s’établir à fin 2013 à près de 35 ct/kWh et s’y stabiliser (contre 18-28 centimes pour la plupart des ménages en Suisse) [→ Q64]. Cette augmentation ne résulte certes pas entièrement des subventions accordées aux énergies renouvelables. Néanmoins, le soutien outre-Rhin dépasse de loin notre timide supplément de 1,5 ct/kWh. Ce faisant, l’Allemagne produit aujourd’hui près de 20 % de son électricité à partir des nouvelles énergies renouvelables, alors que nous en sommes à 2 % en Suisse.

Références

Office fédéral de l'énergie (OFEN) (2013)
(). Prix du marché selon art. 3f, al. 3, OEne Déterminant pour le calcul du supplément RPC sur la base des prix pondérés en fonction du volume (SWISSIX base) et avec prise en compte du taux de change..
Office fédéral de l'énergie (OFEN) (2017)
(). Rétribution de l’injection (RPC) pour petites installations hydrauliques et installations éoliennes, géothermiques et de biomasse - Fiche d’information à l’intention des responsables de projets.
Pronovo (2019)
(). Système de rétribution de l’injection (SRI). [Online]. Available at: https://pronovo.ch/fr/financement/systeme-de-retribution-de-linjection-sri-2/.
Veigl (2015)
(). Rapport annuel 2014 - Fondation Rétribution à prix coûtant du courant injecté RPC.
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