La transition énergétique va-t-elle engender une hausse des prix de l’énergie ?

Oui, très probablement, en particulier pour l’électricité. La transition énergétique devrait entraîner une augmentation des prix de l’énergie pour deux raisons principales : la proportion croissante d’agents renouvelables dans le mix énergétique, et l’augmentation attendue du prix du carbone (émissions de CO2) qui va renchérir les agents fossiles. Ceci étant, il n’est pas du tout certain que cette augmentation soit supérieure à celle que l’on pourrait observer en l’absence de transition énergétique. En outre, la baisse attendue de la demande en produits pétroliers pourrait avoir comme conséquence une baisse de leur prix.

En moyenne, les coûts de production des énergies renouvelables restent plus élevés que ceux des agents fossiles (produits pétroliers, gaz naturel, charbon) [→ Q64], ou à des prescriptions, telle que l’obligation, dans certains cantons, de couvrir un certain pourcentage de la production d’eau chaude sanitaire par des sources renouvelables pour les nouveaux bâtiments.

Par conséquent, plus la part des énergies renouvelables va croître dans notre mix énergétique, plus le coût moyen du kWh va augmenter, en particulier pour l’électricité et les carburants, et dans une moindre mesure pour les combustibles. Les progrès technologiques et la maturité commerciale des énergies renouvelables devraient faire baisser leurs prix, mais cela ne suffira probablement pas à compenser la hausse du prix moyen de l’énergie.

En parallèle, nous devrions assister, dans les décennies à venir, à une taxation croissante des produits fossiles, par le biais notamment d’une hausse du prix des émissions de CO2 [→ Q83]. Ceci aura pour effet, entre autres, d’augmenter significativement le prix du courant produit à partir du charbon et du gaz naturel sur les bourses européennes d’échange d’électricité. Le Green Deal européen, nouvellement proposé par la Commission Européenne en 2019, vise 50-55% de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030. L’ambition à long terme est que l’Europe devienne le premier continent neutre pour le climat.

En outre, les prix du transport de l’électricité vont aussi augmenter, puisque les coûts des investissements nécessaires pour rendre le réseau compatible avec les besoins de notre futur système énergétique [→ Q67] seront répercutés sur le prix du kWh électrique payé par le consommateur.

Quid de la libéralisation totale du marché de l’électricité qui pourrait survenir en Suisse? A priori, elle ne devrait pas changer grand-chose à la situation actuelle. Les gros consommateurs (industries) bénéficient déjà du marché libre et ont pu bénéficier de significatives réductions de leur facture d’électricité. Quant à l’impact sur les petits consommateurs (les ménages et les petites et moyennes entreprises), la libéralisation déjà en vigueur depuis plusieurs années dans différents pays en Europe a montré qu’elle n’a pas permis de baisser les prix moyens de l’électricité, bien au contraire.

A priori, les prix de l’énergie vont donc augmenter, potentiellement de manière significative, notamment pour l’électricité. Mais dans le même temps, notre consommation devrait diminuer grâce à l’amélioration constante de l’efficacité énergétique. L’Agence Internationale de l’Énergie évoque la possibilité que la baisse de la demande en produits pétroliers pourrait engendrer une baisse de son prix, selon le principe de l’offre et de la demande. L’impact final sur la facture énergétique des entreprises et des ménages reste donc difficile à prévoir. Le principe du pollueur-payeur sera néanmoins de plus en plus appliqué, ce qui devrait pénaliser ceux qui continueront à consommer des agents énergétiques fossiles.

Finalement, le coût de production du courant d’origine renouvelable, notamment photovoltaïque, va continuer à baisser et se trouvera de plus en plus en dessous des prix de l’électricité payés par les ménages. Cela va inciter le consommateur final à installer des panneaux solaires sur son toit afin de produire et de consommer sa propre électricité en vue de réduire sa facture énergétique.

Ceci étant, il convient de mettre ces arguments en perspective en se demandant comment évolueraient les prix de l’énergie sans transition énergétique ? Nos centrales nucléaires seraient de toute manière, tôt ou tard, remplacées par d’autres centrales électriques dont le coût de production pourrait également s’avérer plus élevé que l’actuel. Les expériences de plusieurs pays suggèrent notamment que le courant produit par de nouvelles centrales nucléaires serait bien plus cher qu’aujourd’hui.

Références

European Commission (2019)
(). EU emissions trading system (EU ETS). [Online]. Available at: https://ec.europa.eu/clima/policies/ets_en.
European Commission (2019)
(). The 2020 climate and energy package. [Online]. Available at: https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2020_en.
European Commission (2019)
(). COMMUNICATION FROM THE COMMISSION TO THE EUROPEAN PARLIAMENT, THE EUROPEAN COUNCIL, THE COUNCIL, THE EUROPEAN ECONOMIC AND SOCIAL COMMITTEE AND THE COMMITTEE OF THE REGIONSThe European Green Deal.
European Commission (2014)
(). EU gears up for 2030 with more emissions reductions (Press release).
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