Faut-il stocker la chaleur et le froid ?

Le stockage de la chaleur se pratique couramment sur un rythme quotidien dans les « boilers ». En revanche, le stockage de la chaleur à long terme, pour la durée d’une saison (chaleur produite en été et utilisée en hiver), coûte encore trop cher en Suisse. Il est également possible de stocker du froid pour une utilisation ultérieure. C’est une pratique courante dans l’industrie à l’échelle journalière pour des raisons économiques, mais qui n’est souvent pas avantageuse du point de vue énergétique. Le stockage saisonnier du froid n’est, quant à lui, envisageable que pour les bâtiments (ou réseaux de chauffage à distance) disposant d’une pompe à chaleur à sonde géothermique.

Nos besoins de chauffage pour les habitations sont relativement constants durant la journée. En revanche, ils varient fortement durant l’année, en fonction des saisons, avec des besoins nettement supérieurs en hiver qu’en été. Pour l’eau chaude, la situation s’inverse. Nos besoins restent relativement constants au cours des saisons (nous nous douchons pratiquement autant en hiver qu’en été), mais varient fortement au cours de la journée. Nous utilisons une grande quantité d’eau chaude en l’espace de quelques minutes, le temps de prendre une douche ou de faire couler un bain. S’il fallait produire toute cette eau chaude au moment de l’utiliser, nous aurions besoin d’équipements très puissants permettant une chauffe très rapide, ce qui serait extrêmement onéreux. Il est bien plus avantageux de produire l’eau chaude à l’avance, avec des installations de faible puissance, et de la stocker dans des boilers bien isolés afin que la chaleur stockée se dissipe le moins possible. Le stockage journalier de l’eau chaude est donc impératif.

Il en va autrement du stockage journalier du froid. Il est possible de produire de la glace la nuit et de la stocker jusqu’au lendemain midi pour refroidir les locaux, en remplacement d’un système de climatisation classique. De même, les centres frigorifiques cherchent à refroidir en dessous de la limite requise la nuit et arrêtent leurs réfrigérateurs et congélateurs pendant certaines périodes de la journée. Ces solutions visent essentiellement un intérêt économique puisqu’elles utilisent de l’électricité la nuit, lorsque les tarifs sont bas, et évitent d’en utiliser à midi quand les tarifs sont élevés. Elles sont cependant rarement pertinentes d’un point de vue énergétique, car elles vont généralement consommer plus d’électricité au total.

Qu’en est-il du stockage saisonnier de la chaleur et du froid ?

Plusieurs processus industriels produisent de la chaleur toute l’année (incinération des ordures ménagères ou des boues d’épuration) dont une partie importante ne peut être valorisée en été, car elle surpasse nos faibles besoins à cette saison. Cette chaleur excédentaire est donc simplement évacuée, en pure perte. En outre, nous bénéficions en été d’un apport solaire dépassant largement nos besoins et, qui n’est donc pas non plus valorisé. D’un point de vue énergétique, il serait intéressant de stocker cette chaleur estivale excédentaire pour couvrir une partie (ou la totalité) de nos besoins de chauffage durant l’hiver suivant.

Les technologies pour le stockage saisonnier visent soit à chauffer le sous-sol au moyen de sondes géothermiques ou de serpentins, soit à stocker de l’eau chaude dans des grandes citernes très bien isolées. Cette chaleur sera récupérée l’hiver suivant, soit de manière directe (dans le cas de la citerne), soit par le biais de pompes à chaleur (dans le cas du chauffage du sous-sol) [→ Q59].

Le stockage saisonnier reste difficile à rentabiliser, car il nécessite des investissements importants pour un seul et unique cycle de charge et décharge par an (saison chaude/saison froide). Ceci rend le kWh de chaleur produit très cher en comparaison du stockage journalier, qui effectue des centaines de cycles par an pour un investissement bien plus faible. De ce fait, le stockage saisonnier de la chaleur n’est en règle générale pas encore rentable en Suisse, même si de plus en plus de projets voient le jour. Par contre, le stockage saisonner est déjà rentable dans certains pays (Danemark, Suède, Allemagne) qui ont d’importants besoins de chaleur en hiver et qui bénéficient de réseaux de chauffage à distance à basse température (50-70°C), ce qui favorise la rentabilité du stockage saisonnier. Les températures élevées dans la plupart des réseaux de chauffage urbain en Suisse, maintenues souvent par pur conservatisme, représentent un obstacle majeur à la valorisation non seulement du stockage thermique, mais également de la géothermie, de la chaleur de l’environnement et des divers rejets thermiques.

Il est également possible d’effectuer un stockage saisonnier pour le froid. Le stockage du froid de l’hiver, pour rafraîchir les habitations en été, constitue une solution facile à mettre en œuvre et économique, pour autant que le bâtiment dispose d’une pompe à chaleur comprenant des sondes géothermiques [→ Q59]. Le principe est simple : en hiver, la pompe à chaleur extrait de la chaleur du sol pour chauffer le bâtiment, ce qui a pour conséquence de refroidir le terrain. Il suffit de faire circuler l’eau des sondes (entre 2 et 5°C) en été pour récupérer le froid produit pendant la période hivernale et assurer la climatisation d’été tout en régénérant partiellement la chaleur du sol.

Références

Odru (2013)
(). Le stockage de l’énergie-2e édition. Dunod.
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