Doit-on produire de la chaleur, de l’électricité ou des biocarburants avec notre biomasse ?

Compte tenu des autres sources d’énergie disponibles en Suisse, notre biomasse doit servir en priorité à la production simultanée d’électricité et de chaleur (voire de froid). Cette dernière devrait être utilisée dans des réseaux de chauffage à distance. Quand cela s’avère rentable, la biomasse pourra être utilisée pour la production de biocarburant (biogaz, biométhane) pour les voitures à gaz.

La biomasse constitue la source d’énergie renouvelable la plus polyvalente : elle peut produire de la chaleur, de l’électricité ou des biocarburants pour le transport. Par ailleurs, la biomasse commence également à servir de matière première à l’industrie chimique en substitution du pétrole, pour produire des bioplastiques et autres produits de synthèse (concept dit de « bioraffinerie »). Il faut donc déterminer lesquelles de ses utilisations sont les plus pertinentes, et fixer des priorités. Pendant des milliers d’années, la combustion du bois a servi exclusivement à la production de chaleur, pour se chauffer et cuisiner. Aujourd’hui, nous prenons conscience que l’énergie contenue dans la biomasse peut et doit être mieux valorisée.

Considérons tout d’abord le bois, qui représente notre principale ressource en biomasse. Si nous brûlons ce bois, la combustion devrait autant que possible servir à la production conjointe de chaleur et d’électricité dans des unités de cogénération décentralisées alimentant des réseaux de chauffage à distance [→ Q28]. Pourquoi ? Parce que cela permet de tirer pleinement parti du fait que la combustion dégage de la chaleur à très haute température (plus de 1000°C). Cette température élevée offre la possibilité de produire de l’électricité (par le biais de turbine à vapeur), tout en couvrant des besoins en chaleur. À l’inverse, des technologies comme les panneaux solaires thermiques ou les pompes à chaleur fournissent de la chaleur à basse température qui ne peut servir que pour le chauffage domestique et la production d’eau chaude sanitaire. La cogénération permet donc de valoriser pleinement le potentiel énergétique de la biomasse, notamment dans des unités d’une certaine taille alimentant des réseaux de chauffage à distance. Mais, dans les situations où le chauffage individuel à bois est l’unique option, la biomasse devrait être brûlée dans des chaudières modernes à haut rendement tels que les fourneaux à pellets.

Une approche alternative à la combustion est la gazéification : actuellement en développement, elle permet de transformer la biomasse ligneuse (bois, résidus agricoles, etc.) ainsi que la biomasse humide en biométhane, un gaz qui peut être injecté dans le réseau de gaz naturel. Cette filière est particulièrement attractive car elle permet une grande flexibilité d’utilisation de la biomasse tout en offrant un très haut niveau d’efficacité énergétique. En particulier, le biométhane pourrait servir à produire de la chaleur et de l’électricité dans des unités individuelles (micro-cogénération) en utilisant notamment des piles à combustibles [→ Q27].

Quant aux déchets biogènes (fumier, purin, boues d’épuration, etc.), ils sont aujourd’hui convertis en biogaz par un processus de fermentation appelé digestion anaérobie (sans oxygène). Ce biogaz sert soit à produire de l’électricité et de la chaleur (cogénération) in situ, soit il est purifié et injecté dans le gaz naturel avec la même finalité d’usage que le biométhane issu de la gazéification.

Finalement, la Suisse reste plutôt en retrait dans le domaine des biocarburants liquides. Elle ne soutient pas la production de biocarburants de première génération (bioéthanol et biodiesel provenant de cultures nourricières). Les filières de biocarburants liquides de 2e génération (issus de biomasse ligneuse comme le bois) ou de 3e génération (issues notamment d’algues) connaissent un certain engouement au plan international. Leur production sera difficilement rentable en Suisse, mais il serait envisageable d’en importer, pour autant qu’ils soient produits dans des conditions remplissant des critères de durabilité très stricts.

En pratique, la meilleure utilisation de la biomasse indigène va dépendre de la disponibilité et du coût des options renouvelables alternatives pour la production de chaleur et d’électricité.

Références

Office fédéral de l'énergie (OFEN) (2019)
(). Statistique globale de l’énergie 2018. OFEN.
Office fédéral de l'environnement (OFEV) (2009)
(). Biomasse: la Suisse se fixe des objectifs stratégiques.
Steubing, B and Zah, R and Waeger, P and Ludwig, C (2010)
(). Bioenergy in Switzerland: assessing the domestic sustainable biomass potential. Renewable and Sustainable Energy Reviews, 14(8). 2256–2265.
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