Comment stocker l’électricité excédentaire produite par l’éolien et le solaire ?

Il existe de nombreuses solutions pour le stockage de courte durée (de quelques heures à quelques semaines) : stockage local en batteries, ou stockage centralisé en utilisant l’électricité excédentaire soit pour produire de l’hydrogène qui sera injecté dans le réseau de gaz naturel, soit pour pomper de l’eau dans nos lacs d’accumulation alpins (pompage-turbinage). Pour le stockage de longue durée (saisonnier), la capacité de nos lacs d’accumulation n’étant pas suffisante, il faudrait rehausser certains de nos barrages pour augmenter leur volume de stockage. Une autre option consisterait à convertir l’électricité en combustibles synthétiques liquides, comme le méthanol, qui peut être facilement stocké.

La quantité d’électricité d’origine solaire et éolienne injectée dans le réseau européen est aujourd’hui suffisamment élevée pour que l’offre d’électricité surpasse régulièrement la demande. En effet, ce « courant vert » vient s’ajouter à la production de nombreux ouvrages (centrales nucléaires, au charbon, hydrauliques au fil de l’eau) qui fonctionnent en continu et ne peuvent pas être facilement mis à l’arrêt. Comme personne ne veut acheter cette électricité excédentaire au moment où elle est produite, nous devrons donc la stocker, si nous ne voulons pas la perdre.

Si l’on souhaite stocker sur une échelle de temps journalière ou hebdomadaire, l’option la plus simple et la plus économique réside dans le pompage-turbinage, car nous disposons déjà d’une partie de l’infrastructure nécessaire (les barrages et les turbines notamment). Cette capacité devrait augmenter fortement : il est prévu de réaliser de nouvelles installations de pompage pour près de 10 GW, dont certaines sont d’ailleurs déjà en construction [→ Q73].

Une autre approche consiste à utiliser des batteries électriques. Cette option est actuellement étudiée pour le stockage d’électricité provenant d’installations photovoltaïques de faible capacité (par exemple pour les maisons individuelles). Une autre option serait le stockage par air comprimé. Cette technologie, en développement, consiste à utiliser de l’électricité pour comprimer de l’air qu’on stocke sous forte pression, par exemple dans des cavernes ad hoc. Ultérieurement, cet air comprimé peut être détendu, restituant ainsi une partie de l’énergie de compression, que l’on peut reconvertir en électricité. À ce jour, aucune étude du potentiel technique et de la viabilité économique du stockage par air comprimé n’a été réalisée pour la Suisse. Il y a eu, néanmoins, un projet pilote dans les Alpes tessinoises pour tester la faisabilité technique et économique de ce concept à grande échelle.

Nous pourrions aussi stocker l’électricité dans les batteries des voitures électriques, solution particulièrement intéressante en termes d’efficacité énergétique. Mais cette option présuppose qu’un grand nombre de voitures électriques soient connectées à une borne de recharge au moment où l’électricité excédentaire doit être évacuée du réseau. Or en Suisse, l’électricité excédentaire d’origine renouvelable sera surtout produite par les panneaux solaires durant la journée, alors que les voitures électriques seront surtout connectées à des bornes de recharge la nuit. Ce chassé-croisé restreint fortement le potentiel de cette solution… à moins d’inciter à recharger les batteries en journée sur les lieux de travail, les centres sportifs, et autres centres commerciaux.

Et l’hydrogène, cet excellent combustible ? C’est également une possibilité. Il s’agirait d’utiliser l’électricité excédentaire pour effectuer une électrolyse de l’eau. L’eau se scinde alors en ses deux composants, l’hydrogène et l’oxygène. Cet hydrogène pourra être injecté, en quantité limitée, dans le réseau de gaz naturel, ce qui permettrait de réduire nos importations de gaz. Il peut également être converti en gaz naturel synthétique, majoritairement composé de méthane, ce qui permettrait ainsi de contourner ces limitations. Le réseau de gaz est suffisamment vaste pour offrir une large capacité de stockage à court terme. C’est la solution dite « power-to-gas », qui intéresse beaucoup les énergéticiens aujourd’hui (en français, littéralement : « conversion d’électricité en gaz combustible »).

Au lieu d’injecter cet hydrogène dans le réseau de gaz, nous pourrions aussi l’utiliser pour produire un combustible liquide facilement stockable, tel que le méthanol. Plus tard, ce méthanol pourra être converti directement en électricité. Cela permettrait de stocker indirectement de grandes quantités d’électricité, pour de longues périodes, offrant ainsi un potentiel intéressant de stockage saisonnier dont la Suisse a tant besoin [→ Q75].

Nos barrages d’accumulation peuvent également servir pour le stockage saisonnier. La capacité de stockage actuelle de nos barrages est cependant insuffisante et devra être augmentée si l’on souhaite qu’ils puissent contribuer de manière accrue au stockage saisonnier. Cela passe par un rehaussement de certains de nos barrages afin d’augmenter le volume d’eau qu’ils peuvent retenir [→ Q76].

En fait, le défi principal du stockage de l’électricité est plus économique que technique. Seule une augmentation significative du prix de l’électricité pourrait garantir la rentabilité de ces différentes options.

Références

Office fédéral de l'énergie (OFEN) (2018)
(). Statistique suisse de l’électricité 2018. OFEN.
Office fédéral de l'énergie (OFEN) (2019)
(). Statistique globale de l’énergie 2018. OFEN.
Schleiss (2012)
(). Talsperrenerhöhungen in der schweiz: energiewirtschaftliche bedeutung und randbedingungen. Wasser Energie Luft, 104(ARTICLE). 199–203.
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