Comment la politique de l’Union Européenne influence-t-elle notre stratégie énergétique ?

L’Union Européenne (UE) exerce une influence prépondérante sur la Suisse, en particulier dans les secteurs des transports, de l’électricité et de l’efficacité énergétique. Qu’elle le veuille ou non, la Suisse doit également tenir compte de la politique énergétique et climatique européenne dans le cadre de sa propre stratégie énergétique.

Trois éléments de la politique de l’UE influencent particulièrement notre stratégie énergétique : ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables, et d’accroissement de l’efficacité énergétique.

Les prix du marché de l’électricité sont actuellement très bas en Europe. Cette situation limite nos options pour sortir du nucléaire, car aucune alternative ne s’avère compétitive dans de telles conditions de marché. En particulier, construire des centrales à gaz ou de nouveaux ouvrages hydroélectriques s’avère aujourd’hui impossible économiquement.

Or, les objectifs de l’UE en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre ont un impact décisif sur les prix du marché de l’électricité. En effet, plus ses objectifs climatiques seront ambitieux, plus les prix du marché des émissions de CO2 vont monter. Par conséquent, les prix de l’électricité vont augmenter, puisqu’une part importante du courant européen provient de centrales à charbon, fortes émettrices de CO2 [→ Q83].

L’UE a comme objectif contraignant de réduire de 20% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020, et de 40 % à l’horizon 2030, par rapport à 1990. Cet objectif ambitieux de l’UE est non seulement une bonne nouvelle pour le climat, mais aussi pour la compétitivité des ouvrages hydroélectriques suisses ! [→ Q70]

L’UE a également décidé de satisfaire au minimum 20% de sa consommation d’énergie finale par des énergies renouvelables d’ici à 2020 (dont la moitié dans le secteur des transports), et de 32% à l’horizon 2030. Une feuille de route évoque même 55 % à l’horizon 2050. Pour atteindre cet objectif, l’électricité d’origine renouvelable est aujourd’hui largement subventionnée par les Etats membres de l’UE (comme en Suisse d’ailleurs). À nouveau, cela influence fortement les prix du marché européen de l’électricité, et donc nos options stratégiques. D’un autre côté, ce soutien massif à l’électricité renouvelable intermittente (éolienne et solaire) offre des opportunités économiques intéressantes pour la Suisse : d’une part la Suisse profite de la baisse des coûts de ces technologies causée par leur essor en Europe (c’est grâce à l’Allemagne notamment si le photovoltaïque est si bon marché aujourd’hui) ; d’autre part la Suisse pourrait valoriser économiquement ses capacités de stockage grâce à ses ouvrages de pompage-turbinage et ses lacs d’accumulation alpins. Pour autant que l’Europe accepte d’intégrer la Suisse dans son réseau électrique… [→ Q71]

L’influence de l’UE se manifeste également dans le domaine des transports. Il serait illusoire pour la Suisse de chercher à développer la mobilité électrique à large échelle, sans que l’Europe en fasse autant. En l’absence d’un marché de masse européen, les véhicules électriques ne seraient probablement pas disponibles en Suisse ou resteraient au mieux très chers à l’achat, et pourraient difficilement circuler hors de nos frontières faute d’infrastructures pour recharger les batteries. Quant aux carburants, c’est encore une fois l’Europe qui dicte le marché. Pour atteindre son objectif de 10 % de renouvelable dans les transports d’ici à 2020, l’UE table essentiellement sur les biocarburants. A la pompe en Europe, on trouve déjà 5 % à 10 % de biocarburants mélangés aux carburants standards, un chiffre qui pourrait fortement augmenter d’ici à 2025. Ce pourcentage est néanmoins très différent selon les pays-membres, en 2017, seulement deux pays (Suède et Finlande) avaient dépassé l’objectif de 10%. Par conséquent, il sera de plus en plus difficile pour la Suisse de s’approvisionner en carburants traditionnels purs (essence, diesel), indépendamment de sa volonté ou non de soutenir les biocarburants.

Finalement, dans le domaine de l’efficacité énergétique, les équipements (électroménager, électronique, lampes, véhicules, chaudières, éléments du smart grid, etc.) qui pourront être vendus en Suisse seront essentiellement ceux disponibles sur le marché européen, lesquels dépendent directement des standards et des prescriptions définis par l’Union européenne. Rien d’étonnant, par conséquent, à ce que la Suisse s’aligne quasi systématiquement sur ces standards.

Les marchés de l’énergie et des technologies énergétiques étant largement harmonisés au niveau européen, et les réseaux de transport et de distribution largement interconnectés à l’échelle du Vieux Continent, il est difficile pour la Suisse de faire cavalier seul dans ce domaine (comme dans d’autres). La Suisse doit donc tenir compte des conditions cadres fixées par l’Union européenne, afin de s’assurer de la pertinence et de la pérennité de ses choix en matière de politique énergétique.

Références

European Commission (2019)
(). The 2020 climate and energy package. [Online]. Available at: https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2020_en.
European Commission (2019)
(). COMMUNICATION FROM THE COMMISSION TO THE EUROPEAN PARLIAMENT, THE EUROPEAN COUNCIL, THE COUNCIL, THE EUROPEAN ECONOMIC AND SOCIAL COMMITTEE AND THE COMMITTEE OF THE REGIONSThe European Green Deal.
European Commission (2014)
(). EU gears up for 2030 with more emissions reductions (Press release).
Swiss ENERGYScope (2019)
(). Swiss-energyscope. [Online]. Available at: https://www.energyscope.ch/.
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